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Photo du rédacteurDr François Bilodeau

L’accumulation compulsive: bien plus qu’une simple «collection»

L’accumulation commence avec un doute, une idée intrusive liée à une potentielle utilisation de l’objet dans le futur, qui amène généralement le besoin de le conserver.

Au Québec, entre 165 000 et 420 000 individus pourraient être touchés par cette problématique.

«J'en aurai peut-être besoin un jour, on ne sait jamais!», «Cela pourrait être utile à quelqu'un d'autre!», «Il pourrait y avoir un objet de valeur que je n'ai pas remarqué!», «Il me semble irresponsable de jeter cet objet!», «Peut-être qu'il y a de l'information utile! Mes biens sont une partie de moi!»


Le trouble d'accumulation compulsive, aussi connu par son nom anglais «hoarding», entraine l'encombrement de l'espace de vie d'un individu à un point tel que la qualité de vie et l'environnement de celui-ci en est affecté.


Ce trouble touche autant les hommes que les femmes. La prévalence dans la population varie entre 2% et 5%. Au Québec, entre 165 000 et 420 000 individus pourraient être touchés par cette problématique.


Des émotions négatives sont souvent générées par l'accumulation et le désencombrement. L'accumulateur est également dans l'incapacité de se débarrasser d'objets, indépendamment de leur valeur réelle. L'accumulation entraine une souffrance importante et se répercute habituellement sur le fonctionnement social, professionnel et relationnel.


Plusieurs types d'objets peuvent être cumulés: journaux, livres, nourriture, vêtements, contenants vides, meubles, appareils électroniques, factures, sacs, animaux. Certaines personnes accumulent seulement des biens de même nature, d'autres n'ont pas de préférence et accumulent tout ce qui leur tombe sous la main.


Les objets forment souvent des piles désorganisées disposées de manière aléatoire. Dans bien des cas, ces piles d'objets sont à la vue de tous et sont rarement rangées dans des espaces prévus à cette fin. Lorsque les espaces sont désencombrés, c'est souvent en raison d'interventions de tiers (ex.: membres de la famille, nettoyeurs, autorités).


Accumuler, ce n'est pas collectionner!


Il est important de différencier l'accumulation de la collection. L'accumulateur compulsif n'est pas un collectionneur. L'accumulateur vit dans l'embarras et la honte face à ses possessions, s'isole, tente de cacher le plus que possible les pièces encombrées, oublie les objets ou ceux-ci demeurent introuvables.


À l'opposé, le collectionneur est fier de ses possessions qui sont une réalisation positive amenant un sentiment de fierté. Les collectionneurs cherchent également à partager leur passion avec les autres et les objets collectionnés sont souvent organisés et en nombre limités.


Le doute, l'élément central à l'accumulation


L'accumulation commence avec un doute. Une idée intrusive liée à l'utilisation potentielle de l'objet dans le futur amène généralement le besoin de le conserver. La prise de décision de l'accumulateur, face à un objet à acquérir ou à jeter, se trouve souvent affectée par cette intolérance au doute (ex.: j'en aurai peut-être besoin un jour, on ne sait jamais!).


Cette intolérance au doute contribue ensuite au développement d'un motif d'accumulation:

  • Vouloir sauver les objets brisés,

  • Accumuler pour aider les autres ou donner à une noble cause,

  • Vouloir être écologique (ex.: accumuler les objets pour leur donner une deuxième vie),

  • Vouloir se garder informé en accumulant (ex.: les journaux),

  • Avoir peur de jeter quelque chose par inadvertance,

  • Vouloir maintenir un souvenir d'enfance vivant,

  • Combler un besoin de sécurité.

L'accumulateur vit dans l'embarras et la honte face à ses possessions.

Un aperçu des stratégies d'intervention


À ce jour, les écrits scientifiques montrent que la thérapie cognitive et comportementale est celle qui réussit le mieux à traiter le trouble d'accumulation compulsive. Il s'agit d'une approche proactive et axée sur les solutions concrètes.


Lors de la thérapie, le psychologue visera à identifier le cycle lié à l'accumulation et aidera la personne à modifier ses croyances liées au besoin d'accumuler et au désencombrement. La gestion des émotions est également au centre de la thérapie: l'accumulateur doit parvenir à développer une meilleure tolérance au doute afin de se départir de ses biens, mais également pour réduire l'accumulation. Le désencombrement se fait graduellement: l'individu doit se départir de ses biens en ordre croissant de difficultés.


Quand devrais-je consulter?


N'attendez surtout pas que votre fonctionnement global se détériore ou que des pièces de votre logement ne soient plus accessibles.


Plusieurs manifestations peuvent indiquer le besoin de consulter en psychothérapie:

  1. Ne plus oser ou refuser de recevoir des gens à la maison en raison d'un fort sentiment de honte lié à l'état du logement,

  2. Présence d'un sentiment de culpabilité lié à l'accumulation,

  3. Présence de compulsions de rituels de tri ou d'évitement menant à l'incapacité de se départir d'objets,

  4. Difficultés à contrôler son envie d'acquérir ou d'accumuler des objets,

  5. Présence d'un doute persistant lié à l'utilisation potentielle d'un objet,

  6. Acheter plusieurs fois le même item,

  7. Ne pas déballer ou utiliser les objets achetés,

  8. Présence d'un attachement émotionnel irrationnel aux objets.

Conseil aux proches


Évitez surtout de vous débarrasser des objets de l'individu en son absence. Cela pourrait être hautement déstabilisant pour la personne accumulatrice. Évitez également de tenir des propos menaçants ou contraignants visant à inciter la personne à jeter ses objets. Cela pourrait contribuer à renforcer le sentiment de honte et d'échec auprès de la personne. Optez plutôt pour un soutien actif et aidez la personne à trouver des ressources psychologiques ou communautaires.


Si vous voulez en apprendre plus sur la question, une lecture incontournable au sujet du trouble d'accumulation compulsive est le manuel de traitement Entre monts et merveilles: comment reconnaitre et surmonter l'accumulation compulsive. Par ailleurs, un groupe de soutien pour les personnes accumulatrices se tient une fois par mois et est organisé par le Groupe de parole sur l'accumulation compulsive au CLSC de Verdun.


 

Références

- O'Connor, K., Delorme, M.E., Koszegi, N. (2013). Entre monts et merveilles: comment reconnaître et surmonter l'accumulation compulsive. Éditions Multimondes inc.

- Tolin, D., Frost, R. O., & Steketee, G. (2013). Buried in treasures: Help for compulsive acquiring, saving, and hoarding. Oxford University Press.

- Tolin, D. F., Frost, R. O., Steketee, G., & Muroff, J. (2015). Cognitive behavioral therapy for hoarding disorder: A meta‐analysis. «Depression and Anxiety», 32(3), 158-166.

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